Le Mariage intérieur
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Résumé

 

 

Le mariage intérieur est un processus au centre de la démarche mystique, aussi bien dans le christianisme, l'hindouisme, le bouddhisme tibétain et le yoga. A notre époque de remise en question de certains aspects du mariage social et e souffrances qui en découlent, Jacques Vigne a mis ses connaissances à la fois de médecin-psychiatre et de spécialiste du Yoga,-il vit en Inde depuis quinze ans-, pour redécouvrir la valeur du mariage intérieur. Celui-ci a un pouvoir stabilisant à la fois pour ceux engagés dans la vie de couple et pour d'autres qui vivent comme célibataires. Les interprétations des textes et symboles fondateurs de la Bible, en particulier du Cantique des cantiques qui est commenté complètement daans ce livre, sont rafraîchies par la connaissance précise des lois de la physiologie du corps subtil donnée par le Yoga . De cette façon, on retrouve aussi la base de la cabbale et des expériences des mytiques chrétiens. Quelque soit le contexte culturel, la physiologie du corps physique est la même, et on constate que celle du corps subtil ne peut-être très différente. Jacques Vigne n'hésite pas aussi a corréler les enseignements traditionnels avec les découvertes scientifiques récentes sur le cerveau droit et cerveau gauche et à en tirer des indications utiles pour la pratique de la méditation au quotidien. En cela, son approche est digne du XXIe siècle., il s'agit d'une oeuvre de référence et qui restera.
La réunion du masculin et du féminin en nous-même amène aussi à une autre rencontre, celle de l'orient et de l'occident intérieur. Voici ce qu'a écrit André Chouraqui, le traducteur de la Bible, du Nouveau-Testament et du Coran à l'auteur:
"Je suis touché que votre oeuvre jette un pont entre les traditions de l'Orient et nos Ecritures recueillies par Israël, le christianisme et l'islam. Le développement des religions abrahamiques se fait en contradiction avec les traditions asiatiques alors que la Bible tout entière, le Nouveau Testament et le Coran plongent leurs racines dans la sagesse de l'Asie. C'est vous dire combien j'apprécie votre effort de restituer les Ecritures en leurs sources asiatiques. En cela, vous oeuvrez pour l'harmonisation de ces traditions qui conditionnent l'harmonie de notre avenir."

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Table des matières
 

Introduction
Union mystique, Yoga et interprétation de la Bible
Quelques points de repères sur le rapport entre Yoga, christianisme et interprétation de la Bible.
Le corps subtil, l'énergie et l'Absolu.
Faut-il interpréter le Cantique des cantiques?
Bible, archétypes et relations humaines

Première partie Ascension intérieure et union des canaux dans le yoga

Chapitre 1 L'ascension intérieure
Du "Vers toi Seigneur j'ai élevé mon âme" au "lève-toi vers toi-même"
Le corps-montagne
Un microcosme qui monte
La colonne artère
La couronne
Elévation

Chapitre 2 Le Yoga des latéralités
 Science et Svara-Yoga
Exemples de rythme d'alternance quotidienne
Changer de côté à volonté
Posture durant la méditation et ouverture des narines
Le sommeil et la latéralité de l'ouverture des narines
Conseils pratiques
Importance du Svara-Yoga

Ch 3 La rencontre des canaux
La confluence des canaux d'énergie
L'ascension intérieure dans le Yoga
Le symbolisme de l'ouverture des canaux 

Ch 4 Les archétypes de l'union mystique dans l'hindouisme 
Le shivaïsme du Cachemire et l'union de Shiva et Shakti
Mariage de Shiva et Shakti et expérience d'immortalité
Ch 5 Voie du Vide et union des canaux dans le bouddhisme tibétain

Deuxième partie: Le mariage intérieur dans la Bible, la Cabbale et le christianisme

Ch 1 Union mystique et corps subtil dans la cabbale et la mystique juive
Israël et l'Inde
Elohim à Sion, ou l'ascension intérieure
Shekhina, Shakti et énergie féminine 
Les centres: séphirot et chakras
Les canaux.
Le mariage intérieur
Cabbale, yoga et védanta.

Ch 2 Le mariage intérieur dans la Bible
Adam et Eve
Noë et le Déluge
Le mariage d'Abraham et de Sara
L'échelle de Jacob
La vie de Moïse
Le passage de la Mer Rouge et la traversée du désert.
Le Buisson ardent
La tente du Rendez-vous et les Tables de la Loi
Tobie, ou le huitième mari 
Le mariage de Salomon et de la sagesse

Ch 3 Le  mariage au Christ et la mystique essentielle dans le christianisme
Le mariage spirituel dans les Ecritures chrétiennes et la tradition ancienne
Le mariage des religieuses avec le Christ
La Licorne, le Graal et autres récits d'Occident 

Ch 4 Les béguines, Maître Eckhart et le nuage d'inconnaissance -
De la mystique nuptiale à la mystique essentielle 
Hadewijch d'Anvers, les béguines et l'amour courtois
Marguerite Porète, ou le miroir de la non-dualité.
Maître Eckhart: une voie de la connaissance au Moyen-Age
L'ascension intérieure chez Eckhart: l'aimant-amant qui attire vers le haut.
L'union mystique chez Eckhart
Eckhart, maître de la voie de la connaissance dans le christianisme
Le nuage d'inconnaissance

Ch 5 Jean de la Croix et le cantique spirituel
Le contexte dans lequel Jean de la Croix a écrit
Corps subtil et ascension du Mont Carmel
Arrêt du mental et épousailles spirituelles
Faut-il opposer mystique de la nuit et mystique de la lumière?

Ch 6 Le soufisme et la passion entre Medjnoun et Leïla
 

 

Troisème partie: L'harmonisation des contraires

Ch 1 L'androgyne et les jumeaux
L'androgyne
Les jumeaux
 

Ch 2 Deux mythes grecs
Le Yoga d'Oedipe
Thésée, ou l'ascension manquée.
Ch 3 Jung, l'alchimie et le Mysterium conjunctionis et le Yoga
La polarité du haut et du bas dans l'alchimie
La conjonction des canaux latéraux
Les noces chymiques et l'assomption de la matière
L'ascèse de l'ascension et l'éveil du canal central

Ch 4 Dieu, le Soi et la Vacuité: peut-il y avoir une spiritualité comparée?
Soi, Vacuité et Dieu personnel
Images, idées, idoles.
Peut-il exister une spiritualité comparée?

Ch 5 Un commentaire du Cantique selon le Yoga
Les axes directeurs du présent commentaire du Cantique des cantiques
L'importance du Cantique des cantiques
De l'amour humain à l'amour mystique
Le  Cantique,  l'Inde et le féminin intérieur
Le style du commentaire.
Les commentaires traditionnels du Cantique
Dernières réflexions
 

Quatrième partie: Commentaire du  Cantique des cantiques

Ch I   Poème des poèmes
ChII   Le lotus des vallées
Ch III  Viens avec moi
Ch IV  Noces
Ch V  Mon amant
Ch VI   Ma compagne
Ch VII  La Shoulamite
Ch 8   Sur les monts d' aromates

Cinquième partie: Scènes de la vie de Jésus
Méditations à la confluence du yoga et du christianisme

Noël
La Présentation au Temple
La cathédrale et le corps subtil selon le Yoga
L'encensoir
L'orgue
La cloche
La Samaritaine
La parabole des vierges folles et des vierges sages.
La Transfiguration. 
Les Rameaux
Le Jeudi-Saint
Le Vendredi-Saint
La scène de la Crucifixion et la physiologie subtile
Et inclinato capiteÉ
Commentaire
Pâques
La sortie du sépulcre
Les trois Maries
Les pèlerins d'Emmaüs et le Noli me tangere
L'Ascension
La Pentecôte
La préparation: les cinquante jours et le rassemblement dans la chambre haute
Pentecôte intérieure et ascension de l'énergie
Ruah: l'Esprit en tant qu'énergie féminine
Veni Sancte Spiritus
La Trinité
L'Apocalypse

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Extraits choisis
 

Introduction

Union mystique, Yoga et interprétation de la Bible









De même que le mariage sacré, iéros gamos, est au coeur du fonctionnement religieux de líhumanité, de même líunion mystique est au centre de la vie spirituelle des êtres humains. On dit que líunion fait la force, cíest aussi tout à fait vrai dans le domaine intérieur. Notre mental repose sur la dualité, líopposition des contraires: síils sont en conflit stérile, líénergie mentale sera drainée en permanence alors que síils peuvent être harmonisés, elle sera libérée et pourra participer pleinement au progrès intérieur.
   La première partie détaillera líascension intérieure dans différentes traditions, car celle-ci est indissolublement liée au mariage mystique; puis nous donnerons des bases solides à notre étude en parlant du yoga des latéralités ainsi que des archétypes du mariage intérieur dans líhindouisme et dans le bouddhisme tibétain. La seconde partie sera consacrée à la tradition judéo-chrétiennne. Nous avons choisi de développer la cabbale et la mystique  juive avant de commenter des passages de l'Ancien Testament car celles-ci nous aideront à mieux comprendre certaines interprétations selon le Yoga.
  La troisième partie envisage líunion des contraires à travers líandrogyne, les jumeaux, les mythes díOedipe et de Thésée, ainsi que le Mysterium conjunctionis de Jung, le couronnement de son oeuvre qui est consacré à la conjonction des opposés en alchimie et dans la psychologie des profondeurs. Viennent ensuite quelques réflexions sur Dieu, le Soi, la vacuité et leurs symboles qui seront utiles pour mieux situer les interprétations qui suivront Nous ferons une présentation du Cantique des cantiques et discuterons le pourquoi et le comment de líinterprétation díun texte sacré; cela servira  en fait à introduire le commentaire complet du Cantique qui constitue la quatrième partie.
   La cinquième partie, Scènes de la vie de Jésus, applique les clés interprétatives établies dans les parties précédentes à certains épisodes importants des Evangiles, et pour conclure, à deux visions de líApocalypse. Beaucoup díautres épisodes de la vie de Jésus auraient pu être commentés, mais ceux qui ont été traités suffiront à donner une idée de la fécondité des rapprochements avec le Yoga. Dans cette dernière partie du livre on ne trouvera aucune note,  alors quíil y en a un bon nombre dans les premières; en effet, il síagissait au début de situer líascension intérieure et le mariage spirituel en se référant à diverses traditions et écrits mystiques, díoù líutilité de nombreuses citations; quand on en arrive aux Evangiles, par contre, le style devient plus méditatif, entre les scènes de la vie de Jésus et líexpérience intérieure síétablit un dialogue, cíest celui-ci que jíai essayé de transcrire en líallégant de toute référence extérieure.
   Je vis depuis quinze ans principalement en Inde et je suis maintenant souvent en ermitage dans líHimalaya. Cíest là, juste en face du massif de la Nanda Dévi qui domine le nord de líInde de ses 7860m que jíai rédigé cet ouvrage. Líenseignement spirituel que je suis est celui de Ma Anandamayi et si je ne cite pas en détailses paroles  tout au long de ce texte cíest parce que je sais que son influence est là directement à líintérieur de moi-même. Ce livre est venu comme une phase de mon itinéraire entre líOrient et líOccident, entre líInde et la France. Dans Le Maître et le thérapeute (1991), jíai parlé de la relation avec líenseignant spirituel, cíest un aspect important dès le début du chemin; puis dans Eléments de psychologie spirituelle (1992) et Méditation et psychologie (1996)  , jíai approfondi les conditions psycho-spirituelles nécessaires pour que líintériorisation méditative puisse aider à se guérir soi-même et finisse par produire son fruit qui est la joie spirituelle ainsi que le sens de líunité avec le monde et les autres. Jíai aussi parlé dans ElémentsÖ de la différence entre hindouisme et christianisme dans le mode de transmission spirituelle. En 1995 sont venues deux études comparatives, líune sur líenseignement des moines du désert des débuts du christianisme (hésychasme) en rapport avec le védanta , et líautre plus générale sur le non-dualisme et la mystique chrétienne . Cíest un texte avec des thèmes de réflexion plus larges qui fait un bon complément au présent ouvrage. Il était naturel que celui-ci soit venu à la suite des livres précédents, car le mariage intérieur est un couronnement de líexpérience méditative.
 
 

Chapitre 1 L'ascension intérieure



 
 
 
 
 
 
 

 Oui, je me souviens,
 et mon âme s'épanche au-dessus de moi 
     (Psaume 42 5)

 
 
 
 

Du "Vers toi, Seigneur, j'ai élevé mon âme" au "lève-toi vers toi-même"

    Ad te, Domine, levavi animam meam  "vers toi, Seigneur, jíai élevé mon âme". Cíest le chant qui ouvre líannée liturgique, la première pièce du graduel quand on ouvre un livre de chant grégorien. On pourrait dire que tout le mouvement de líannée liturgique est déjà contenu dans cet élan, cette montée initiale des premiers mots. Et si jíavais été un moine médiéval et que jíavais voulu faire tenir tout ce message dans líenluminure du A initial, à la fois début de líalphabet et début de líannée, jíaurais représenté une colombe qui évoque, nous le verrons ci-dessous, líessor de líénergie-esprit en nous le long de líaxe central. Cette âme-souffle qui síélève répond comme un écho au lekh lekha, Lève-toi vers toi-même du Cantique (2 10) dont nous reparlerons dans notre commentaire (partie IV).  Le rapprochement des deux suggère líharmonisation de la voie de la dévotion et de la voie de la connaissance à partir díun certain niveau díévolution. La véritable ascension intérieure níest pas le contraire, mais le complémentaire de líenracinement. Líassociation de ces deux forces nous étire et grandit entre terre et ciel et nous permet díavoir, selon líadage bien connu, "la tête dans le ciel et les pieds bien sur terre".  Les chrétiens grecs parlent d'eirénikê katabasis, la descente paisible dans l'hésychasme. De même que deux billes lancées dans un bol finiront par se retrouver au fond, immobiles l'une contre l'autre, de même notre conscience des latéralités se dirige vers un axe central où elle finit par venir se reposer. 
   Puisque nous avons commencé par parler de la tradition chrétienne, nous pouvons mentionner le  Lève-toi et marche de Jésus aux infirmes. Il y a en chacun une énergie qui doit se lever si nous voulons que "ça" marche en nous. Cíest cela le vrai miracle de la rencontre avec le spirituel, quíil se présente sous forme subtile ou incarnée dans une personne physiquement présente. Pour que cette rencontre porte son fruit, il faut évidemment que le sujet qui a une demande de son côté ait confiance. Cíest  pour cela que le Christ dit Va, ta foi tía sauvé.  Líélévation de cette énergie intérieure a un pouvoir magnétique, si líon peut dire, sur le mental et permet une absorption complète de celui-ci. Cíest líinterprétation spirituelle du Christ annonçant sa crucifixion : une fois élevé de terre, jíattirerai tous les hommes à moi (Jn 12 31).  Il se compare aussi en cela au serpent díairain de Moïse dressé dans le désert, ce qui est un archétype on ne peut plus explicite de montée díénergie. Quand celle-ci síélève le long de cet arbre de vie quíest la colonne vertébrale, elle permet à la conscience de voir son Bien suprême, de même que Zachée avait grimpé sur un arbre pour voir Jésus et être vu de lui (Lc 19 1-4).
    Notre corps mental est comme une barque dans la tempête. Si la colonne se redresse, si líénergie síéveille, la fureur des flots síapaise comme par magie. Cíest une façon intérieure de lire líépisode de Jésus qui dormait dans la barque de ses disciples quand survint une tempête sur le lac; en se réveillant, il a ordonné à celle-ci de se calmer.
   Nous allons développer en détail ce thème de líascension, car líinterprétation subséquente de textes de líAncien et du Nouveau Testament ainsi que de certains récits de líInde et de la Grèce en dépend. Líabondance des images ainsi que la diversité des lieux et des époques díoù elles proviennent feront plus que de longs développements théoriques pour rendre compte  de líimportance de líascension intérieure dans les traditions spirituelles et de la façon dont elle síincarne comme en un microcosme dans le sujet qui síintériorise.
   Pour commencer par le début, líhomme est un animal traversé par la verticale. Par rapport aux quadrupèdes qui ont la face tournée vers le sol où ils espèrent indéfiniment trouver quelque nourriture, líhomme est en position pour regarder líhorizon, cíest-à-dire quíil est capable de voir beaucoup plus loin que lui-même. Ce redressement, on le sait, a permis líouverture de la région laryngée et líapparition de la parole, donc líémergence de cette conscience qui lui est extrêmement liée. De même, dans líhistoire de líindividu, le nouveau-né peut à peine tenir le dos droit et ne parle pas, puis peu à peu il se redresse, díabord assis puis debout et parallèlement développe la capacité de síexprimer.  Il en va de même dans líévolution spirituelle: au début nous sommes voûtés, le mental plein de soucis et níarrivons même pas à exprimer notre aspiration intérieure, puis petit à petit nous nous redressons, nous émergeons du marécage de nos préoccupations et nous pouvons apercevoir la ligne díhorizon, et même un peu de ciel au-dessus. Ainsi se vérifie jusque dans le spirituel cette loi bien connue de la biologie: líontogénèse, cíest-à-dire le développement de líindividu résume la phylogénèse, cíest-à-dire celui de líespèce. 
   Avant de se mettre à la pratique, le sujet ne perçoit guère son dos, il est comme invertébré du point de vue de la conscience; puis petit à petit sa posture se redresse et il acquiert si líon peut dire la dignité des êtres vertébrés: mais cíest tout un travail de réussir à redresser líanthropopithèque en nous. Avant cela, nous sommes bons pour mériter les célèbres insultes du Capitaine Haddock, non seulement anthropopithèque, mais aussi australopithèque et jíen passeÖMême si nous ne réussissons pas complètement ce redressement, nous aurons eu au moins la satisfaction díavoir mis un peu díordre, díavoir imprimé une certaine directivité ascendante à cette agitation du mental et des sensations qui sans cela est  réellement "sans queue ni tête". Il s'agit de déplier le corps pour déployer l'âme, et, de toutes façons, líascension est une nécessité pour éviter bien des désagréments. Héraclite ne disait-il pas: "Tout ce qui rampe reçoit sa part de coups ". Rûmi indique clairement la force qui nous fait nous redresser: "par l'amour, ce qui était courbé est devenu droit, sans l'amour, ce qui était droit devient courbé ". Ailleurs, il dit encore plus directement: "Lève-toi et purifie-toi de toi-même ." 
   Le mot autorité vient du latin auctoritas qui est de la même racine quíaugmentation: quand líénergie monte, augmente dans le dos, une autorité, une prestance, un charisme naturel se dégage de notre personne. Ne dit-on pas d'ailleurs "avoir de l'ascendant"? A ce moment-là notre force vitale se transforme naturellement en pensée, puis en conscience pure. Cicéron avait sans doute pressenti cela quand il disait en un formule brève mais pleine: "Pour líêtre docte, vivre, cíest penser ".
 

Le corps-montagne

   Pour cette partie, nous prendons appui sur le beau livre de Marie-Madeleine Davy sur La montagne et sa symbolique , et un certain nombres de références que nous donnerons viendront de celles quíelle a rassemblées grâce à ses lectures étendues sur le sujet. Elle mentionne déjà Samivel quíelle connaissait personnellement. Il écrit dans líintroduction à un de ses livres sur la montagne: "Nous allons aborder un grand sujet, peut-être le sujet des sujets, le rapport de líhomme avec la hauteur ."  Au Moyen-Age, quand quelquíun voulait prendre la vie monastique, on disait: "il, ou elle part pour la montagne " ou "il, ou elle monte au désert". Les deux sont díailleurs traditionnellement liés, le désert préparant à la montagne, le détachement amorçant la montée de líénergie chez le contemplatif. Le sommet de la montagne est líendroit sur lequel tombe la foudre, il est un pilier qui soutient le ciel et le lieu des noces de celui-ci avec la terre. Dans une des versions de la Table Ronde, cíest en haut de la montagne de Montsalvat que se trouvait le calice du Graal que cherchaient les Chevaliers du roi Arthur. Calice et montagne ont díailleurs tout deux une forme conique qui se répond comme en miroir. Le Graal peut alors correspondre aussi à ce centre quíon peut sentir síouvrir au sommet de la tête comme un calice orienté vers le ciel et dans lequel l'Inde voit un lotus. Sommet peut se dire ras en arabe, shir en hindi, deux mots qui signifient également tête.  De même, dans certaines régions de France, on peut parler de tête pour désigner un sommet. Le contact entre le haut et le bas síétablit tel un arc électrique entre deux pôles de charges opposées et le schéma corporel habituel est comme effacé, "mis à plat" dans líexpérience díunité. Nous retrouverons cela évoqué de multiples façons tout au long de cet ouvrage. Cette communication directe entre le haut et le bas est aussi ressentie dans le corps, ainsi peut-on comprendre par exemple:  Le Seigneur est dans les hauteurs et il ne voit que celui qui est humble (Ps 138 6) ou alors : Les vallés síentrouvent sur líEternel (Michée 1 4). Elle est possible grâce aux canaux subtils dans lesquels circule le "vent" de líénergie. On peut interpréter dans ce sens le Psaume 104 4: LíEternel fait des vents ses messagers. Nous parlerons plus des canaux dans le chapitre 3 de cette partie.
 
 
 
 

Le grand poète chinois Li Po (701-762) écrit:

Les gens demandent:
Pourquoi habiter la montagne de jade?
L'esprit libre, je ris sans répondre...
Monde au-delà du monde .

Le jade est légèrement transparent, il évoque le corps subtil du méditant à la fois aérien et immobile comme une pierre précieuse. Les courants díénergie síy déplacent aussi rapidement que la lumière dans un joyau. Ceci amène à une joie au-delà du mental (je ris sans répondre), la joie du Soi qui observe (monde au-delà du monde). Nous reviendrons à ce symbole à propos du centre de la couronne.
   Un autre poème chinois, cette fois-ci de Tao-tseu, est intéressant pour sa symbolique ascensionnelle:

Canne au poing, je recherchais l'ermite
Par un chemin abandonné en travers du temps
Comment accéder à sa grotte dans la paroi?
La montagne résonne comme son luth . 

   La canne au poing signifie la maîtrise de líénergie vitale qui circule dans la colonne. Nous n'avons díhabitude pas conscience de celle-ci (chemin abandonné), mais quand nous expérimentons son éveil, le mental s'arrête et donc le temps est suspendu (abandonné en travers du temps). Ce chemin nous mène à la tête (grotte dans la paroi) où nous pouvons percevoir le son intérieur, dont la forme pulsatile est díhabitude comparée à un son métallique, pincement de corde ou tintement de cloche (la montagne résonne comme son luth). Nous parlons plus en détail du son intérieur dans Líécoute du silence qui forme la dernière partie de Etre en paix, être en soi (à paraître, en collaboration avec Michel Jourdan).
   M.M. Davy a bien senti quíil y avait un rapport entre la montagne et le corps puisquíelle a intitulé une section de son livre líhomme-montagne. Cependant, elle ne lía pas développé explicitement comme nous le faisons dans cet ouvrage. Je pense que cíest parce quíelle níavait pas de pratique régulière de méditation selon les voies orientales ou la cabbale, où le corps subtil et son fonctionnement est explicité de façon beaucoup plus claire que dans la tradition chrétienne. Dans celle-ci, il est difficile de parler directement de celui-ci à cause de la prépondérance donnée à la dévotion.

Un microcosme qui monte

   Cíest une sorte de postulat traditionnel bien connu que le microcosme correspond au macrocosme. Nous allons voir maintenant comment articuler les deux à propos du thème de cette partie, líascension intérieure. Nous pouvons déjà dire que celle-ci, vécue sur le plan subtil du rêve éveillé, a un pouvoir thérapeutique en soi. On se rapportera à ce propos à líoeuvre de Desoille et de ses successeurs. Michel Random a publié un livre où il évoque de façon littéraire le vécu du corps du méditant. Pour les débutants, il est important de mentionner que, bien que le corps subtil soit quelque chose quíon arrive à sentir clairement, il níy a pas lieu de chercher à diriger les yeux ouverts ou fermés vers la partie que líon veut percevoir.  Le regard reste au repos pendant quíon travaille sur une  partie ou une autre de ce corps. Son nom "subtil" évoque quelque chose de moelleux, et cíest vrai. Il est agréable à sentir. En sanskrit, le mot subtil, sukshma, est proche du mot sukha, plaisir, joie; paramsukha est la joie suprême de la Réalisation. Le Soi peut être qualifié par ailleurs de param sukshma, suprêmement subtil, on dit dans la Bhagavad Gita quíil est plus subtil que líatome (8 9).
   Construire le corps subtil, cíest síédifier soi-même au double sens du terme, se bâtir ou se sanctifier. Líénergie qui permet cela, cíest celle de líamour qui síélève en nous comme une flamme perpétuelle vers le divin. En ce sens, Saint Paul dit: scientia inflat, caritas aedificat, la science rend vain, la charité édifie. (1 Cor 8 1). Le corps subtil est un échafaudage, mais il est mis à bas à chaque fois que líon parvient à aller au-delà du corps et du mental en méditation. Son vécu est changé par la maladie physique ou psychique, par líamour, par líivresse et par líexpérience mystique.
   Bernard de Clairvaux fait allusion aux sept degrés de líascension intérieure qui permettent au fidèle díarriver à la montagne des montagnes. Dieu repose alors en lui . Tauler indique que cíest "dans líhomme que le Christ fait son ascension" (Ibid.) et que cíest là quíon doit comprendre ce processus évoqué par Saint Paul: Le Christ montant dans les hauteurs y a conduit captive la captivité (Ep 4 8). Dans 1 Cor 11 13, Paul dit: La tête de tout homme, cíest le Verbe, la tête de la femme, cíest líhomme, et la tête du Verbe, cíest Dieu. Cíest comme si on avait une imbrication de têtes montant de la femme à Dieu par líintermédiare de líhomme et du Christ. Cela fait penser à cette représentation díune colonne de têtes qui monte jusquíau ciel au-dessus díun bouddha paisible et souriant.
   Líénergie spirituelle a tendance à monter si on ne lui fait pas obstacle de façon aussi naturelle que la pierre a tendance à descendre quand elle nía plus de support. Díaprès Grégoire de Nysse, "si nous montons en délaissant les ténèbres terrestres, nous deviendrons lumineux en approchant la lumière véritable du Christ" ou encore "cíest chose légère que la vertu et qui porte en haut". Díaprès Isaïe (60 8), ceux qui se laissent porter par la vertu volent comme des nuages et comme des colombes avec leurs petits. Se laisser porter par le vent correspond à líouverture des canaux díénergie dans le Yoga. Nous avons en nous dans les régions souterraines comme une nappe phréatique qui est sous pression. Si nous lui ouvrons le passage par une sorte de forage artésien dans le corps subtil, elle se mettra à jaillir spontanément et continûment.  Si les canaux latéraux peuvent être comparés à deux arcs-en-ciel symétriques, le canal central correspondra au trajet de la foudre. Nous évoquons ici la symbolique du Vajrâyâna (le véhicule de la foudre) dans le bouddhisme tibétain où líon parle aussi du corps díarc-en-ciel. Pour en rester à cette tradition, líoffrande díun bol díeau pure qui est courante dans les rituels peut être interprétée du point de vue corporel comme la montée de líénergie purifiée du bassin vers la tête.. Celle-ci, ou plus précisément le crâne, évoque un bol inversé, sans eau: quand le mental est vide, celui qui offre, celui à qui líon offre et líoffrande ne font plus quíun.
   Le vide du mental aspire líénergie vers le haut aussi naturellement que la dépression à líintérieur de la seringue y fait monter le liquide.  De même, le vide du ciel associé à la chaleur du soleil fait évaporer líeau de mer saumâtre et fait pleuvoir de líeau douce sur les montagnes, dont les pentes deviennent verdoyantes et fécondes. Ceci évoque bien ce vide du mental qui, associé au soleil du désir brûlant de líAbsolu, provoque la transmutation de la force vitale en force spirituelle et en compassion (la pluie sur les pentes de la montagne). Si nous sommes attentifs, chaque inspiration peut être une évaporation, une sublimation et chaque expiration une condensation et une fécondation.
   On peut comparer cette énergie ascendante dans líaxe central du corps à une fontaine qui se renouvelle indéfiniment. Cette image est díailleurs utilisée par Nicolas de Cues (XVe siècle) pour évoquer le divin. Dans un style plus oriental, Sawant Singh, connu pour son enseignement sur la pratique de l'écoute du silence  disait: "L'amour est une fontaine de parfum dans le jardin de la vie" .( Elle est aussi comme un fleuve qui rebrousse chemin. Dans les Psaumes, un des signes de la présence de Dieu est le Jourdain qui revient en arrière. (Ps 114 3). Le nom du centre à la base de la colonne vertébrale en Yoga est mûlâ-dhâra. Si on allonge le a final, cela donne dhârâ signifiant le courant: il síagit de ce courant fondamental de vie díoù provient la rivière ascendante de líénergie. A ce moment-là, les chakras sont comme des lacs sur son cours qui se subdivise en trois parties au niveau du dos pour se réunir à nouveau au niveau de la tête, délimitant ainsi deux îles qui sont les deux côtés du dos. Cette rivière intérieure níest pas différente de cette  Loi de YHWH que le juste, évoqué dès le premier psaume, murmure jour et nuit: Il est comme un arbre planté auprès des cours díeau: celui-là portera fruit en son temps et jamais son feuillage ne sèche; tout ce quíil fait réussi (1 3). Cíest ce torrent intérieur dont on parle dans un autre psaume et où líon peut se désaltérer pour continuer le combat de la pratique méditative sans se laisser aller à la somnolence qui fait tomber la tête vers líavant: A ta droite, Seigneur, il fait justice des nations; au torrent il síabreuve en chemin, cíest pourquoi il redresse la tête (Ps 110 7).  Le prophète Amos dit :  je hais vos sacrifice, mais la doctrine sort comme un courant d'eau, et la justice comme un torrent qui jamais ne tarit. (Am 21 24) La notion de justice implique l'idée de juste milieu, et donc l'image peut suggèrer un torrent dans l'axe du milieu.
    Nous présenterons à la fin de la troisième partie Madame Guyon, la seule femme à notre connaissance à avoir écrit un commentaire complet du Cantique (1683). Nous verrons quíil y a une notion qui lui est si chère quíelle a créé un mot nouveau pour la désigner : le recoulement, c'est-à-dire le reflux de la rivière de líâme vers son origine divine.
   La colonne vertébrale est aussi souvent comparée à líarbre de vie du Paradis ou à líArbre de Jessé: celui-ci est issu de son ventre et en son sommet siège le Christ. Cet arbre de Jessé est représenté entre autres dans un célèbre vitrail près du grand portail de la cathédrale de Chartres. Les chamanes qui montent en vision líarbre sacré évoquent également líascension de líénergie le long de la colonne. Ceci est relié au vol sacré qui semble exister depuis la préhistoire. Comme la sève dans líarbre, la vocation de líénergie intérieure est de monter et de síépanouir. Cíest sans doute le sens spirituel du célèbre commandement divin: Croissez et multipliez que beaucoup se contentent de comprendre seulement au niveau physique.... Dans líhindouisme, on parle souvent du kalpataru, líarbre (taru) qui réalise tous les souhaits (kalpa). A ce propos, on peut aussi penser en occident au mât de cocagne. Nous renvoyons à Mircea Eliade qui a beaucoup étudié le symbolisme de líarbre sacré . 
   Jean de la Croix a écrit tout un livre sur la Vive flamme díamour   qui est cette énergie de líEsprit-Saint qui monte régulièrement en nous et nous élève vers le Père. Dans le signe de croix, le Fils est placé au niveau du ventre, le Père à celui du troisième oeil et líEsprit est situé en position intermédiaire. Celui-ci peut faire monter le Fils vers le Père mais seulement à condition que nous donnions notre consentement, cíest pour cela quíil est placé au même niveau que notre Amen.
   Le Bouddha, quant à lui, est représenté à Amavârati comme une colonne de lumière. Il affirme quíaprès un discours il est devenu comme une flamme et síest élevé dans les airs jusquíà une hauteur de sept palmiers . Ceci évoque bien sûr líascension de líénergie dans les sept chakras, ce qui tendrait à montrer quíils étaient connus par tradition orale plus tôt quíon ne le pensait.
   Líaxe central du corps est une cheminée avec un feu central qui brûle à sa base.  Si líon voulait interpréter dans ce sens un archétype populaire, on pourrait parler de cigognes et de Père Noël. La cigogne de la discrimination (le long bec) a fait son nid à líextrémité supérieure de la cheminé (le troisième oeil) et les cadeaux divins apportés par le Père Noël descendent aussi à travers cette cheminée. Ils sont également associés au dos du Père Noël car ils sont placés dans sa huche. Encore faut-il avoir préparé ses chaussures pour le recevoir, cíest-à-dire síêtre détaché des désirs habituels qui collent à la peau, comme les souliers collent aux pieds. Ceux-ci, on le sait, sont associés à la sensualité. Dans une autre civilisation, líInde, on ne peut voir des êtres spirituels que la trace de leurs pieds. Cíétait au moins ainsi dans le bouddhisme et  vishnouisme primitif, qui níont laissé en guise de statue que des traces de pieds du Bouddha et de Vishnou sur des rochers.
   Quand un oiseau en haut díune vallée se met à planer près du col, il peut profiter du courant díair ascendant pour monter sans même battre des ailes. De même, líénergie de celui qui sait méditer síélève à travers le dos et le cou jusquíà la tête sans quíil ait besoin de faire díefforts. Quand YHWH dit à Moïse qui arrive au Sinaï, et à traverslui lui au peuple d'Israël: je vous ai emporté sur des ailes d'aigles et je vous ai amené vers moi (Ex 19 3), cela ne peut guère se comprendre que du point de vue de l'ascension intérieure. Platon et la tradition occidentale à sa suite considèrent souvent líâme qui síéveille à un oiseau qui prend son essor: "Líâme, délivrée de ses attaches terrestres, síélance légère et rapide vers les hauteurs, laissant les choses díen bas pour síenvoler vers le ciel.  Si rien ne vient díen bas interrompre son élan ?comme la nature du Bien a la propriété díattirer à soi ceux qui lèvent les yeux vers elle- líâme síélève toujours díavantage au-dessus díelle-même, tendue vers le désir des choses célestes, vers ce qui est en avant" . Je sais que cette vision peut sembler désincarnée à certains, mais on doit reconnaître quíelle síest enracinée dans la conscience des générations successives depuis vingt cinq siècles: pour une idée désincarnée, on peut dire quíelle a líincarnation longue,  pour ne pas dire la vie dure.
   Grégoire de Nysse a une intuition importante quand il dit :"On pourrait définir líorgueil comme une montée vers le bas" . En effet, celui-ci prend son appui sur la base du corps comme la colère et la force sexuelle. En psychanalyse, on parle de la psychorigidité du tempérament obsessionnel et anal. Cela va dans le même sens. Même quand on en arrive au visage, líorgueil continue à être une montée vers le bas. Il amène  la conscience vers le bas de la tête en faisant crisper les mâchoires et pincer les lèvres, et et dansz le tiers supérieur de la tête, nous noue aussi le bas du front en faisant froncer les sourcils.
   La mort permet líenvol de líoiseau de líâme et donc la libération. Une iranienne mía raconté cet épisode récent díun maître dans líartisanat des tapis persans qui était aussi un soufi. Il avait  accepté díenseigner son art dans les prisons, mais à une condition: que les autorités pénitentiaires libèrent immédiatement celui de ses élèves qui aurait réussi un vrai chef-díoeuvre. Líun des prisonniers passa des mois entiers à tisser une scène avec un oiseau en cage mais dont líombre était en dehors de celle-ci et paraissait síenvoler. On y reconnut un chef-díoeuvre et on le libéra. Dans le village de líInde, sur les bords du Gange, où je vis souvent, la coutume est díacheter un oiseau en cage; cela se fait aussi ailleurs dans le pays. Ce níest pas pour le garder dans un appartement, mais cíest juste pour ouvrir la porte de sa prison et quíil puisse síenvoler. En hindi, le corps, et le monde matériel en général peut se dire pinda, et la cage est appelée pindjara, la proximité des deux pots est un enseignement en soi . 
   Au départ, le dos est dur comme une croûte terrestre; mais ensuite une faille se crée et la lave díen bas peut síinfiltrer comme une veine de feu, jaillir à la surface et former un cône de volcan en se déversant sur les côtés. Parfois le volcan explose et cela entraîne certes des dégâts mais les populations suffisamment prudentes peuvent quand même profiter de ses pentes fertiles pour y établir des cultures, et, pourquoi pas, prendre avantage des hautes températures de la lave là où elle affleure pour installer une centrale thermiqueÖ
    Répétons-le, la concentration sur líénergie ascendante et le corps subtil níest pas une fin en soi; elle  níest quíun moyen, un tremplin pour "sauter" au-delà du corps et du mental et élargir ainsi de façon considérable son horizon spirituel. Quand on a un minimum d'expérience dans ce sens, on sait bien que c'est la direction à suivre, même si certains la critiquent de l'extérieur. On pourrait comparer líénergie qui monte à un gant retourné vers le bas quíon met à líendroit en orientant les doigts vers le haut. Cíest ce "retournement en doigt de gant" qui permet à la situation de redevenir normale. En langage yogique, líéléphant gris représenté dans le chakra de la base devient éléphant blanc dans le chakra du cou, on est monté de líélément terre à líélément éther, et on est mûr pour passer au deux chakras supérieurs dans la tête qui correspondent à líélément spirituel.
   Dans cette ascension de líénergie du terrestre vers le céleste, un stade important est celui des omoplates, cíest-à-dire celui de la naissance des ailes. Socrate parlait de la "démangeaison des ailes qui naissent"  : líanimal devient ange, le cheval devient Pégase ou bien se transforme en cette jument Boqar qui a emmené le Prophète Mohammed vers le ciel pendant la nuit du miërâdj pour quíil y ait la révélation des mystères divins. Dans la Bible, on demande parfois au Seigneur de se réveiller. En Inde, on le fait chaque matin au temple de Tirupati, certainement le plus grand pèlerinage du pays. On interpelle Venkateshvar, le dieu qui y réside en lui disant :"Lève-toi, Seigneur, pourquoi dors-tu?" 
 

I 3 A l'odeur tes huiles sont bonnes, ton nom est une huile jaillissante; aussi les nubiles t'aiment.

 Les odeurs sont souvent mentionnées dans le Chant des chants. Elles sont comme les notes de musique dans une symphonie aromatique. Elles évoquent la subtilité pénétrante et dépourvue de formes de l'amour spirituel, nous développerons cet aspect plus en détail dans la suite du commentaire. Nous pouvons cependant déjà dire que les fumées du sacrifice ou de l'encens qui montent en volutes sont comme les maillons d'une chaïne subtile et parfumée qui relie le haut et le bas, elles dessinent un canal de communication entre les deux zones. Le Zohar dit: Il est une odeur qui s'élève de bas en haut comme l'odeur du sacrifice car il s'agit d'une odeur qui monte et noue les liens l'un avec l'autre et les enchaîne l'un à l'autre jusqu'à ce que tout devienne un unique lien et une unique lumière . 
  Ton nom est une huile jaillissante : c'est à mon sens une des expressions du Cantique qui peut être la plus richement commentée.  En dénombrant les interprétations qui me viennent à l'esprit, j'en vois bien une douzaine qui se complètent les unes les autres.

1. Le 'nom' évoque cette forme fondamentale de prière qu'est la récitation du Nom divin. Au début, celle ci est rythmique, à voix haute, plus ou moins saccadée car il faut bien des temps pour inspirer à nouveau. Elle fait penser à un courant d'eau plutôt maigre, goutte à goutte. Puis la récitation s'intériorise, et en même temps elle devient plus continue, elle peut même se poursuivre durant le sommeil. A ce moment-là elle est vécue comme aussi régulière et lisse qu'un courant d'huile et procure une félicité qui ne trompe pas. Celle-ci produit sur le visage une lumière, un charisme qui attire même les débutants sur le chemin spirituel: c'est pourquoi il est dit, aussi les nubiles t'aiment.
2. Le Nom est récité sur le souffle. Même si on cesse la récitation du Nom, il faudra bien que le souffle continue. Ce qui rend le souffle irrégulier, c'est la peur, la colère, la tension, c'est-à-dire le contraire de l'amour. Et une conscience complètement continue du souffle  jaillissant comme un courant d'huile provoque une absorption dans le souflle même de toutes ces tensions, de toutes ces sensations-pensées débutantes qu'on peut considérer comme ces 'nubiles' qui veulent s'absorber dans le bien-aimé sous forme de souffle.
3. Au-delà de la récitation du Nom vient, nous l'avons vu au verset 1, l'écoute du silence: le bruissement de celui-ci est également continu comme un jaillissement d'huile et il absorbe les représentations mentales débutantes, c'est-à-dire les adolescentes aussi sûrement que l'océan dissout l'eau douce d'une source située dans les sables des profondeurs.
4. De façon générale, quand le courant de concentration vers un objet devient régulier comme un jaillissement d'huile, l'absorption méditative survient, accompagnée d'une félicité fondamentale. Il y a même un aphorisme du Yoga là-dessus, tailadhârâvat, (la concentration doit être) continue comme un courant d'huile.
5. Nous verrons dans la suite du texte la correspondance entre la fontaine avec son jet d'eau centrale sortant d'un bassin, et la montée de l'énergie vitale issue du bassin à travers l'axe central du dos. Pour Nicolas de Cues, la fontaine qui s'auto-renouvelle indéfiniment est un symbole approprié du Divin. Quand ce jaillissement réussit à être aussi régulier qu'un jet d'huile, il attirera les 'nubiles', c'est-à-dire les courants de sensations latéraux qui n'ont pas encore consommé l'union avec le courant central, que ce soit au niveau du coeur ou du front.
6. Dans une lampe, l'huile monte à travers la mèche et jaillit sous forme de flamme. Le corps du contemplatif est une lampe à huile, le bassin correspond à la coupelle de terre, l'énergie qui y est contenue à l'huile, la colonne à la mèche et la flamme à l'illumination qui vient comme toucher de sa pointe l'écran du front. Quand les courants de sensations montent dans l'axe central aussi régulièrement et verticalement que la flamme dans une chambre où il n'y a aucun courant d'air, la tradition du Yoga nous dit que le pratiquant est proche du but.
7. Si on mélange l'eau et l'huile et qu'on laisse reposer, c'es l'huile qui finira par surnager. De même, la pratique du Nom fera que celui-ci finalement flottera pour ainsi dire au-dessus du mental. Les chrétiens se souviendront de la parole de Paul disant que le Christ a reçu un Nom au dessus de tout nom.
8. L'utilité d'un Nom est d'amener Dieu à habiter en nous. En ce sens, tous les Noms de Dieu signifient Emmanuel, 'Dieu avec nous' et jaillissent, naissent  comme le Sauveur à la période de Noël.
9. Le jaillissement peut redescendre à la manière de l'huile qui s'écoule sur la tête et la barbe d'Aaron; ceci évoque l'aspect apaisant de la récitation du Nom qui rend agréable et profitable le fait d'habiter en frères tous ensemble. (Ps 133 1,2). A ce moment-là le Nom se répand dans tout le corps, il est installé dans chacune de ses parties comme s'il y était imprimé. Dans ce sens, le Bien-Aimé dit à l'amant en 8-6 Place-moi comme un sceau sur ton bras. Dans l'hindouisme, cela fait partie du rituel quotidien que de 'placer' le Nom de Dieu dans chacune des parties du corps (nyâsa).
10. L'huile n'est pas seulement une substance qui peut éclairer, nourrir, soigner, elle aussi utilisée pour l'onction royale. Comme l'amant est associé au Roi de paix, il n'est pas surprenant que son Nom soit une huile jaillissante.
11. Réciter le Nom de Dieu paraît à beaucoup un gaspillage de temps. C'est aussi un gaspillage qu'on avait reproché à Marie-Madeleine à Béthanie (Mt 26 10) quand elle avait brisé un flacon de nard pour parfumer la tête de Jésus.
12. Pour terminer cette évocation des différentes interprétations du nom comme huile jaillissante, on peut mentionner la version vieille latine de cette expression unguentum exinanitum nomen tuum 'Ton Nom est une huile qui se vide'. Il y a un moment où l'énergie pour réciter le Nom s'épuise naturellement, survient alors un vide, un silence mental complet qui est synonyme de contemplation profonde

I 4 Tire-moi derrière toi, courons! 
Le roi m'a fait venir en ses intérieurs
Jubilons, réjouissons-nous en toi!
Mémorisons tes étreintes mieux que le vin! Les rectitudes t'aiment.

   Du point de vue yoguique, l'amant correspond au pôle céleste, à la conscience pure et à la tête, l'amante au pôle terrestre, à l'énergie vitale et au bassin. Nous reviendrons régulièrement à cette double polarité. La conscience attire l'énergie vers le haut et celle-ci 'court' derrière son amant qui a la présence aussi magnétique qu'un aimant.
   Après avoir rédigé ce qui me venait à l'esprit sur le Cantique, j'ai reçu et pu lire le livre du Zohar qui lui est entièrement consacré et qui a été traduit pour la première fois en langue occidentale par Charles Mopsick en 1999. On y donne une interprétation similaire de ce verset: Au moment où le désir s'élève par le secret du sacrifice, l'amante monte et dit à son bien-aimé (situé dans le coeur, au niveau de la sephira Tiphéret): 'Entraîne-moi! Tend la main vers moi pour me faire monterÖet si Tu ne m'entraînes pas vers Toi, l'agrément et la volonté d'en haut ne résideront pas sur Toi, car un mâle sans femelle, les bénédictions ne s'établissent pas sur lui .'  Le traducteur fait remarquer que cette formule est maintes fois répétée dans le Zohar. Nous retrouvons ici clairement exprimés les thèmes d'ascension intérieure et d'union mystique qui forment le noyau du présent ouvrage. Puique nous faisons des comparaisons avec le Yoga, il y a un autre commentaire du Zohar sur ce verset qui évoque fortement le bindu au-dessus du chakra de la couronne: Remarquez que la couronne suprême est constituée de soixante-douze lumièrse forméees en cercle au centre duquel se trouve un 'Point' dont tout le cercle tire l'aliment; c'est le Saint des saints, le séjour de l'Esprit de tous les esprits; c'est le centre de toutes les forces, c'est le centre du centre. Quand ce 'Point' se déplace, toutes les lumières qui forment un cercle autour de lui se déplacent également, ainsi qu'il est écrit Attire-moi, courons après toi! Quand l'énergie féminine monte jusqu'au coeur suivant l'axe central, elle induit une expansion. Il est écrit dans ce sens:'J'ai couru dans la voie de tes commandements, et tu as dilaté mon coeur  (Ps 118 32)

   Il y a ensuite une incertitude:  on ne sait pas très bien si le roi est le même que l'amant désigné par le toi qui vient juste après. De même, pourquoi la bien-aimée qui paraissait seule se met à dire soudain nous: Réjouissons-nous? Dans l'interprétation que nous allons suivre tout au long de ce poème, le Roi en ses intérieurs correspond au Soi, et le toi de l'amant au maître spirituel ou au Dieu perrsonnel, au Toi divin. Ces deux derniers peuvent à notre sens être considérés comme des manifestations du Soi. Il y a donc une relation étroite entre Roi, Soi et Toi. C'est une façon possible d'entendre l'incertitude entretenue par le texte.  Sans vouloir se lancer dans une sorte de cabbale francophone, on peut quand même s'étonner qu'en français les premières lettres de ces trois mots suivent l'ordre alphabétique.  Nous ferons par la suite une méditation plus approfondie sur ce thème. De même, l'incertitude de la bien-aimée pour savoir si elle doit se désigner par je ou par nous a un sens. Quand on s'intériorise, on s'aperçoit que le moi n'est pas unifié, qu'il a de nombreux visages sans pour autant avoir à parler de syndrome de personnalités multiples. C'est seulement dans sa nature. Ainsi n'est-il pas étonnant que ce moi, sous l'effet puissant de l'attraction magnétique de l'aimant-toi, puisse réorganiser toutes ses parties en profondeur et laisser pénétrer la lumière du Soi. Il est vrai que Dieu, ce Toi divin est dans mon coeur, mais je suis aussi dans le coeur de Dieu. Donc, où est-moi, où est Toi? C'est le début de cette danse circulaire qui nous entraîne à travers ce Poème et qui culminera dans la ronde des deux camps à l'occasion du mariage de Shélomo et de la Shulamite en 7 1, c'est-à-dire de la consommation du mariage intérieur.
   Mémorisons tes étreintes mieux que le vin. Il y a chez certains directeurs spirituels une peur des expériences de félicité intérieure. Ils craignent qu'elles soient des pièges; mais si la félicité n'est pas encombrée d'émotions perturbées, elle est alors naturellement un encouragement sur la voie, une balise qui nous indique le bon chemin. Le vrai problème est que nous ne réussissons pas à la faire durer. C'est la nature du mental de rechercher le bonheur, s'il réussit à le trouver à l'intérieur il deviendra indépendant des sources de bonheur extérieur. C'est comme si une drogue intérieure pouvait remplacer toutes celles à l'extérieur, il s'agit d'un traitement de substitution pourrions-nous dire en termes modernes.
   Vient ensuite l'expression quelque peu mystérieuse Les rectitudes t'aiment. Une première interprétation est que l'amour de Dieu n'est pas possible sans rectitude morale. Si notre désir s'égare sur des chemins de traverse, nous ne pouvons pas l'atteindre car il est un Dieu jaloux.. C'est le sens de la Vulgate recti diligunt te, les justes t'aiment. Une seconde interprétation possible est celle de Tur Sinaï qui comprend méisharîm, le terme hébreu pour rectitudes, comme une allusion à la puissance sexuelle. Il s'agit là de ce qu'on pourrait appeler une rectitude horizontale. En yoga et c'est là une troisième interprétation, les rectitudes deviennent verticales, il s'agit de l'érection de la colonne vertébrale et du redressement du dos. La virilité exacerbée se transforme en vertu verticalisante. On peut comparer tout simplement les canaux d'énergie contenus dans le dos à des tuyaux. S'ils sont coudés, l'eau ne pourra pas y passer ou passera mal, s'ils sont droits le flot s'écoulera naturellement. Pourquoi le texte dit les rectitudes au pluriel? Parce que dans le dos il y a trois rectitudes qui convergent, une médiane et deux latérales. Leur point de rencontre correspond à l'objet aimé -qu'on l'appelle Roi, Toi ou Soi.  De plus, pourquoi ne dit-on pas mes rectitudes t'aiment? Car ce serait le signe d'un désir égoïste, d'un amour possessif évoqué par les 'rectitudes horizontales' de l'amour physique et personnel. Ici, ce sont les rectitudes,  l'élan spontané de l'amour vers l'Absolu, la droiture verticale de l'amour pour l'amour de l'Amour. L'énergie vitale ne peut s'unir au Soi que si elle est dépourvue de toute crispation de l'égo, que si la rectitude est dépourvue de toute rigidité. L'amour ne peut circuler dans les canaux que si les écluses du moi d'habitude fermées s'ouvrent largement.
   Cette rectitude de ceux qui aiment Dieu fait penser à la verticalité quasi parfaite des statues de saints, apôtres ou prophètes dans les cathédrales gothiques. Par leur droiture, ils méritent bien d'être placés comme des sortes de piliers de l'édifice, comme des soutiens de la Maison-Dieu. De même, si les canaux d'énergie qui soutiennent notre corps subtil sont bien droits, nous pouvons dire que nous habitons un 'corps-Dieu'; en effet, si le Divin peut venir habiter dans un édifice de pierre, pourquoi ne résiderait-il pas dans un corps de chair qu'il a créé à son image et ressemblance? Nous avons vu qu'après que  Jacob a eu le songe où il voyait l'échelle et les anges, c'est-à-dire l'énergie circuler dans l'axe médian, il a redressé la pierre qui lui avait servi d'oreiller et le lieu est devenu Béthel, la Maison-Dieu, un endroit marqué par la pierre dressée, par la rectitude pointant vers le ciel. Saint Bernard, de son côté, interprète la rectitude comme l'harmonie entre la foi et les oeuvres.(Sermon 24 7)

I 5 Je suis noire mais harmonieuse, filles de Ieroushalaîm
Comme tentes de Qédar, comme tentures de Shélomo.

   La bien-aimée a peur d'être exclue. Il est vrai qu'elle évoque ce qui fait peur aux gens.  Le noir, l'obscurité est ce qu'on fuit si on est 'quelqu'un de clair dans sa tête'. Il y a aussi le racisme instinctif de ceux qui n'aiment pas les minorités d'une autre couleur de peau que la leur. Le noir évoque également la mystique souvent associé à la femme et opposée aux clartés froides d'une raison masculine. On ne peut pas ne pas penser aux Vierges noires qui rappellent par leur teint la grande nuit de l'origine des temps, et par là même cet Eternel au-delà du Temps. La bien-aimée a donc trois motifs pour être rejetée: non seulement elle est noire et femme, mais en plus elle ose être mystique. Elle représente l'autre côté, cet autre côté dont le nom même est devenu dans la cabbale le synonyme du Malin, du Prince des Ténèbres: on ne voulait pas évoquer son nom de peur de la faire apparaître. En étant noire mais belle, la bien-aimée réconcilie ce qui semble être des contraires. C'est la première annonce d'un thème qui courra à travers tout le Cantique et qui culminera dans le mariage de Shélomo et de la Shulamite. Pour ceux qui se souviennent de ce que nous avons dit sur le soufisme, la bien-aimée noire évoquera Leïla, dont le nom signifie littéralement nuit et qui est aimée passionnément par Medjnun, le fou. Les ténèbres sont certes le lieu de la destruction, mais il s'agit de la destruction de l'égo qui est belle de par sa fonction même. Malgré sont teint plutôt noir ou basané, le Roi l'aime, c'est-à-dire qu'elle a un contact avec le Soi; celui-ci est protégé par l'obscurité du mystère ou par l'agitation flottante du mental comme l'amour par les tentes noires de Qédar, ou Shélomo lui-même par ses tentures.
   Les filles de Jérusalem représentent la partie rationelle du mental et aussi, du point de vue extérieur, ces  "intellectuels de la capitale" qui ne veulent pas entendre parler de l'expérience mystique, qui cherchent à l'ignorer, à s'en moquer ou à la combattre. Le mot Ieroushalaim, Jérusalem, contient l'idée de shalom, la paix. Les filles de Jérusalem sont nées de la paix, mais elles ont oublié leur véritable origine, elles ne sont pas encore prêtes pour reconnaître la beauté de la nuit, de l'arrêt du mental qui permet le retour à cette paix originelle. Comme les intellectuels des grandes capitales le font à leur manière, elles préfèrent s'intéresser aux modes et aux jalousies qui alimentent régulièrement le mental de ceux qui sont investis  dans la vie sociale. 

I 6  Ne me voyez pas, moi, la noirâtre: oui, le soleil en moi s'est miré.
Les fils de ma mère ont brûlé contre moi;
Ils m'ont mise gardienne de vignobles.
Mon vignoble à moi, je ne l'ai pas gardé!

Les frères ont aussi la même signification: le mental rationaliste qui rejette cet autre mental tourné vers le mystique. Ils représentent aussi toutes les résistances d'une famille quand un de ses membres décide de se tourner vers soi-même (vers sa propre vigne)  pour une recherche spirituelle. On lui reproche de ne pas être productif et on essaie de l'atteler à des tâches extérieures, le vignoble des autres pour tenter de le faire dévier de son orientation mystique.
    Guillaume de Saint Thierry commente ces versets en disant que l'action prend le pas sur la contemplation (mon vignoble à moi, je ne l'ai pas gardé); il vise ceux qui ont l'esprit tellement missionnnaire qu'ils n'ont plus le temps de s'occuper de leur vie intérieure. Guillaume a mené jusqu'à la fin de ses jours une existence monastique relativement à l'écart. Cependant, il se peut qu'il envoie ici une pointe à son ami Bernard avec lequel il discutait le Cantique quand ils étaient tous deux malades à l'infirmerie du monastère de Clairvaux. Celui-ci était devenu un personnage important et très occupé par la prédication des croisades, ainsi que par ses rivalités avec Pierre le Vénérable et son acharnement contre Abélard, sans compter les fondations de monastères en grand nombre.
 

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